Un traitemment , pourquoi ?
Début janvier commencera pour beaucoup d’éleveurs la préparation à l’élevage. Comme chaque année, beaucoup d’amateurs se concerteront pour savoir quels produit miracles ils emploieront pour mettre toutes les chances de leur côté. Les discussions tourneront donc autour de la manière de «blanchir» les oiseaux. Mais qu’entend-on par blanchir les oiseaux ?
C’est en quelque sorte les nettoyer afin de limiter le risque de contamination par des germes pathogènes (mortels) aux oisillons. La contamination réalisée, les jeunes encore trop fragiles décèderont quelques jours plus tard, d’une infection généralisée. Les oisillons affaiblis n’ont plus la force d’ouvrir leur bec, le manque de nourriture accélèrera le processus.
La contamination se fait, en général, après la naissance, par les parents qui nourrissent. Retenons donc qu’en cas de problème, les femelles autant que les mâles devront être «traités». Il arrive fréquemment que l’éleveur pense que la mort des oiseaux est due au fait que les parents ne nourrissent pas, mais en réalité le problème est ailleurs. Les jeunes meurent épuisés et affamés ne pouvant plus ouvrir leur bec.
Après plus de vingt-cinq années d’élevage, je peux vous assurer que les femelles qui ne nourrissent pas sont rares, les problèmes de nourrissage provenant souvent d’une santé déficiente des jeunes ou des reproducteurs.
Les germes incriminés se trouvent dans les intestins des oiseaux. Certains reproducteurs étant porteurs mais non malades (porteurs sains), ces germes sont éliminés dans les fientes qui elles-mêmes contaminent l’eau de boisson et les fonds de cages. Les jeunes encore fragiles peuvent donc être contaminés au nid ou, par la ensuite dans le milieu environnant. Étant plus fragiles et en pleine croissance, ils seront à la merci de ces germes et feront une maladie souvent mortelle.
Quel sera le rôle de l’antibiotique administré aux parents ?
Il faut savoir que les maladies transmissibles aux jeunes par les reproducteurs sont, notamment, la colibacillose et l’acariase respiratoire. La transmission de la lankesterellose et de la proventriculite par les parents reste incertaine. Les canaris peuvent être des vecteurs passifs de microbes ou virus, c’est-à-dire qu’ils véhiculeront les agents pathogènes sur leurs pattes, leurs plumes,… ou alors ils seront des vecteurs actifs c’est-à-dire qu’ils porteront les germes dans leur organisme. L’antibiotique donné aux parents servira à éradiquer les bactéries pathogènes qui se trouvent dans les intestins de l’oiseau. Malheureusement, l’antibiotique ne fait pas de différence entre les bactéries favorables et les bactéries dites «mauvaises». Pour comprendre le mécanisme infectieux qui nous intéresse, il faut comprendre ce qu’est la flore intestinale et pourquoi notre oiseau tombe malade.
Lorsqu’on parle de flore intestinale, c’est du mécanisme de digestion que nous parlons. Cette digestion est une étape primordiale dans l’organisme de notre canari. La nourriture ingérée servira à fournir l’énergie nécessaire pour faire fonctionner toutes ses fonctions vitales. Afin que la digestion se réalise d’une manière optimale, il faudra que la flore intestinale de notre oiseau possède plus de bactéries «positives» que «négatives».
Si les bactéries «négatives» dominent, l’oiseau deviendra malade.
L’antibiotique sera donc souvent employé dans ces cas avec des résultats satisfaisants.
Le problème est que, d’année en année, l’utilisation de ces produits favorise l’apparition de souches résistantes.
Tentative d’explication:
Lorsque je me suis intéressé au problème, je me suis rendu dans une bibliothèque afin d’essayer de comprendre ce qu’était une bactérie, une cellule,... et de déchiffrer tout ce langage peu coutumier, il faut le reconnaître, à nous, éleveurs amateurs.
Je suis donc sorti de la bibliothèque chargé d’ouvrages qui devaient faire de moi un expert. A peine le premier livre ouvert, je suis vite redescendu sur terre. Je ne comprenais strictement rien. Je suis donc retourné reporter ces ouvrages savants et une idée géniale m’est venue. Pourquoi n’irais-je pas dans la section «enfants» chercher des livres à images sur les microbes et les maladies diverses?
Je suis alors ressorti avec toute une panoplie de livres plus intéressants les uns que les autres.
Je vais donc tenter d’expliquer le problème de l’utilisation des antibiotiques de cette manière.
Explication hyper simplifiée, le but n’étant pas de faire de nous des experts, mais de simplement comprendre ce qui nous intéresse.
Imaginons qu’il y ai chez notre oiseau 50 bactéries « positives » (on devrait même parler en milliard) mais pour l’exemple nous en prenons 50. Tant que le nombre de bactéries négatives ne dépassera pas les 50, nous pourrons considérer qu’a ce niveau il n’y aura pas de problème.
Mais les bactéries se multiplient tout le temps.
Et plus ou moins toutes les vingt minutes, elles se reproduisent.
Imaginons donc 100 bactéries ( 50 positives et 50 négatives)
Si les bactéries négatives dominent, l’oiseau tombera malade. Si l’on administre à ce moment un antibiotique, celui ci attaquera certaines bactéries aussi bien négatives que positives. Chaque antibiotique s’attaquera à donc à certains types de bactéries, d’autres, «les antibiotiques à large spectre» auront un rayon d’action plus grand.
Que se passe-t-il si l’on emploie toujours le même antibiotique?
Imaginons l’antibiotique A: celui-ci est opérant sur les bactéries n° 1. La bactérie n° 1 est présente en nombre élevé dans le corps de notre oiseau. Si l’on utilise l’antibiotique A contre la bactérie n° 1 celle-ci sera directement attaquée dès la rencontre avec l’antibiotique. Mais, même avec un traitement prolongé, il arrive que toutes les bactéries n° 1 ne soient pas détruites et que celles-ci, par mutation, résistent à l’antibiotique A.
Nous appellerons ces bactéries résistantes Ar.
Tant qu’elles seront en nombre restreint (les bactéries Ar), il n’y aura pas de danger. Mais pensons bien que ces petites bactéries résistantes se reproduiront très vite, si bien que si l’on n’utilise pas un autre antibiotique, quelques années plus tard, commenceront les ennuis d’élevage. Car elles seront très nombreuses et l’antibiotique n’agira plus sur elle.
Cette antibiorésistance est naturellement variable. Ce qui explique les réactions de certains amateurs, contents d’un produit pendant quelques années, qui se retrouvent face à une année catastrophique. L’exemple le plus frappant de cette antibiorésistance est la néomycine. Il y a quelques années, tout le monde employait la néomycine. C’est un antibiotique «doux» qui offre l’avantage de ne pas passer la barrière intestinale, donc son action est concentrée dans les intestins. C’était alors le produit miracle, car la réussite dans l’élevage avoisinait les 90%. Malheureusement un emploi massif de cet antibiotique par des éleveurs qui n’avaient pas de problème a favorisé l’apparition de souches résistantes et, finalement, le traitement à la néomycine s’est avéré de moins en moins positif.
L’idéal en cas de problème est de faire réaliser chez un vétérinaire un antibiogramme, car les antibiotiques sont des produits différents entre eux et, l’idéal est, en cas de problème, de pouvoir directement attaquer les bactéries avec le produit adéquat, ceci afin d’optimaliser les résultats et d’éviter les accoutumances.
Au passage, il est bon de signaler que contrairement à une croyance très répandue, les antibiotiques ne les rendent pas stériles. Seuls, certains sulfamides associés à des antifoliques les rendent momentanément stériles .
Après un traitement, il y a donc lieu de restaurer toute la flore intestinale. L’administration de probiotiques sera donc recommandée (probiotiques : bactéries favorables se trouvant naturellement dans l’estomac des oiseaux).
Cet article n’a pas pour but de dire si l’emploi d’antibiotiques est conseillé ou pas; cela fait partie d’un autre débat. Il est évident que l’idéal serait de se passer de tous ces produits et de laisser faire la nature. Mais dans ce cas serions-nous tous sur un pied d’égalité par rapport à quelques éleveurs employant ces produits ? Évidemment pas. Et c’est là qu’est précisément le problème.
Ecrit par : Thierry lequeu
Juge international canaris de couleur
Source : www.lequeuth.com